Un journaliste qui, en ne respectant pas les règles de sa profession, provoque une brusque chute du cours d’une action en diffusant, même involontairement, une information fausse ou trompeuse sur une société cotée en bourse, peut être sanctionné par une autorité de contrôle.
En 2016, une agence de presse américaine, spécialisée dans la communication d’informations financières en temps réel, reçoit un communiqué de presse. Ce communiqué se présentait comme émanant d’une entreprise française cotée en bourse. Il annonçait que la société devait procéder à une révision de ses comptes consolidés.
Quelques minutes plus tard, l’agence de presse publie une dépêche faisant état de cette information. Il s’en suit une chute du cours de l’action de la société.
Quelques minutes plus tard, l’agence de presse supprime la dépêche. Elle en diffuse une nouvelle qui dément l’information. Le lendemain, l’autorité des marchés financiers (AMF) française ouvre une enquête. En 2019, l’AMF considère que l’agence de presse avait diffusé des informations fausses ou trompeuses susceptibles de fixer le cours de la société à un niveau anormal ou artificiel. L’AMF prononce une sanction de 5 millions d’euros contre cette agence.
En 2021, la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande d’annulation de la décision de l’AMF mais a réduit la sanction à 3 millions d’euros.
L’INFORMATION DIFFUSEE NE RESPECTAIT PAS LES REGLES DE LA PROFESSION
Par arrêt du 14 février 2024, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société de presse.
Pour la Haute juridiction, une agence qui diffuse une information fausse ou trompeuse sur une société peut être sanctionnée, même si elle n’a tiré aucun avantage de cette diffusion ni agi dans l’intention d’induire le marché en erreur.
En effet, l’agence de presse n’a pas agi dans le respect des règles de sa profession dès lors qu’elle aurait dû, avant de diffuser son communiqué, s’interroger sur l’authenticité des informations reçues et procéder à des vérifications, en présence d’un contenu inhabituel sur la forme et peu probable sur le fond, compte tenu de la bonne santé financière de la société française.
La Cour de cassation s’est fondée sur l’article 21 du règlement européen de 2014 sur les abus de marché. Cette disposition prévoit que l’existence d’un abus de marché lié à la diffusion ou la divulgation d’informations financières à des fins journalistiques doit être appréciée en tenant compte des règles régissant la liberté de la presse et la profession de journaliste.
La Cour de cassation a jugé que la sanction prononcée par la Cour d’appel de Paris était proportionnée aux buts légitimes poursuivis. Elle retient à cet effet que le manquement de l’agence de presse avait entrainé des pertes financières importantes pour les investisseurs, que cette agence n’avait pas souhaité, au cours de la procédure de sanction, communiquer son chiffre d’affaires total pour la mise en œuvre de la sanction et qu’elle n’avait jamais soutenu que cette sanction était de nature à compromettre son existence ou la poursuite de ses activités journalistiques.